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Abdelaziz Bouteflika n’est plus le centre du pouvoir

Publié par Abed Charef sur 18 Août 2017, 15:19pm

Le limogeage du Premier ministre a montré que ni le chef de l’État, ni les institutions ne en sont mesure d’arbitrer. Les décisions se font ailleurs. Et à défaut d’un accord sur l’identité du prochain président, Abdelaziz Bouteflika est maintenu

Ahmed Ouyahia, désigné mardi 15 août au poste de Premier ministre, et son prédécesseur Abdelmadjid Tebboune, ont tous deux remercié le président Abdelaziz Bouteflika lors de la cérémonie de passation des pouvoirs, et insisté pour lui réaffirmer leur allégeance.

Ces deux énarques, qui totalisent près d’une quarantaine d’années de présence au gouvernement, ont cohabité au sein de l’Exécutif à trois reprises, et notamment au début de l’ère Bouteflika, lorsque la star du gouvernement était Chakib Khelil.

Avec leur profil de hauts fonctionnaires disciplinés, prêts à se plier en quatre pour se mettre au service du pouvoir du moment, ils ont gravi tous les échelons, jusqu’au poste prestigieux de Premier ministre. Ils connaissent donc les chemins qui mènent aux sommets.

 

Cela devrait suffire pour éliminer toute une série d’hypothèses sur les divergences qui les opposeraient : au sujet de leur relation avec l’argent et les milieux d’affaires, avec lesquels ils ont parfaitement composé, ou encore au sujet de leurs ambitions respectives, car tous deux connaissent les limites de ce qui est permis et ce qui ne l’est pas.

De plus, ils ont tous deux été de fervents partisans du quatrième mandat en faveur d’un président sérieusement diminué en raison de son état de santé. Ils ne peuvent non plus nous tromper sur le sens de leur action, car tous deux affirment appliquer un « plan d’action » découlant du « programme du président de la République ».

 

D’où vient donc cette image largement répandue, et qui voudrait présenter M. Tebboune comme un homme soucieux de combattre l’argent sale et de faire face aux oligarques, alors que M. Ouyahia serait un homme de compromission, capable d’appliquer sans état d’âme des programmes de restrictions en ces temps d'austérité budgétaire.

Un Premier ministre recadré par un ministre !

La confusion qui s’est installée ne peut se dissiper que par un retour à certaines certitudes.

La plus évidente, qui reste le secret le mieux gardé dans le sérail, concerne le président Abdelaziz Bouteflika : celui-ci n’existe plus en tant qu’arbitre, encore moins comme centre de pouvoir. Il n’est plus en état d’accomplir le strict minimum pour sauver la face.

Noureddine Boukrouh, ancien ministre de Bouteflika, et Soufiane Djilali, président du parti Jil Jadid (Nouvelle génération), l’ont affirmé publiquement. Tous deux sont cependant des opposants, et ils sont dans leur rôle quand ils évoquent la question.

Mais un constat est venu confirmer leurs déclarations. Lors de la crise qui a mené au limogeage de M. Tebboune, le président Bouteflika n’a pas été en mesure de recevoir son Premier ministre, ce qui aurait constitué un minimum pour préserver un semblant de fonctionnement des institutions.

Dans un premier avertissement adressé à M. Tebboune, le président de la République aurait « recadré » le Premier ministre. Cela aurait dû se faire par une déclaration du chef de l’État, au pire par un communiqué de la présidence de la République, si on admet le fonctionnement anormal en vigueur dans le pays comme un fait accompli.

La procédure suivie a été différente. La mise en demeure était en fait une lettre signée de M. Ahmed Ouyahia, directeur de cabinet du président de la République et en même temps membre du gouvernement de M. Tebboune.

Il fallait vivre le quatrième mandat de M. Bouteflika pour assister à cette absurdité constitutionnelle : un Premier ministre se faisant rappeler à l’ordre par un de ses ministres, sans tenir compte de la « majorité parlementaire » ni de l’opinion publique.

Pouvoir informel

La seconde certitude découle de la première : le pouvoir du président de la République est exercé dans l’informel. La chose n’est pas nouvelle. Elle se pose avec de plus en plus d’insistance depuis avril 2013, après son sévère AVC.

Les communicants officiels avaient alors menti, en parlant d’un « accident ischémique transitoire sans séquelles ». Des responsables de premier plan, occupant des fonctions stratégiques, avaient été complices du mensonge, au moins par leur silence.

 

En 2014, le président Bouteflika avait été réélu pour un quatrième mandat, sans faire campagne et sans prononcer un seul mot. En novembre 2016, dix-neuf personnalités avaient émis le vœu de rencontrer le chef de l’État pour constater de visu ses aptitudes à gérer le pays.

Mais la famille du président Bouteflika, essentiellement son frère et conseiller Saïd, avec le concours des principaux dirigeants du pays, ont réussi à garder le black-out. La raison était toute simple : aucun successeur potentiel ne faisait consensus.

Les institutions ne servent plus que pour l’apparat. Les arbitrages et les décisions se font désormais ailleurs

À défaut d’un accord sur l’identité du prochain président, Abdelaziz Bouteflika est maintenu. On avisera plus tard.

Le résultat est là : les institutions ne servent plus que pour l’apparat. Aucune d’entre elles n’est en mesure d’arbitrer un conflit. La déresponsabilisation a atteint des sommets, et a fini par déteindre sur l’ensemble de la vie économique et sociale. Les arbitrages et les décisions se font désormais ailleurs.

 

 

Abed Charef 

Abdelaziz Bouteflika n’est plus le centre du pouvoir
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